C’est un immense éclat de rire qui a marqué la journée d’hier dans les milieux anticorrida français et probablement bien au-delà : le quotidien Sud-Ouest a révélé que Manuel Valls venait d’interdire à ses ministres d’aller assister à une corrida. Valls, l’aficionado suprême, l’homme politique le plus puissant de France, avait peur – oui, peur – que des photos montrant des membres du gouvernement se régaler à voir ces spectacles sordides de torture aient un effet désastreux dans les médias. Un sacré coup entre les deux oreilles pour les aficionados…

En 2011, tout juste nommé ministre de l’Intérieur, il venait déclarer avec bonhomie au micro de RMC : « C’est quelque chose que j’aime ». Et ce n’était pas à n’importe quel moment, mais juste quand la question de l’abolition de la corrida était en cours d’examen par le Conseil constitutionnel. Les soi-disant « sages » avaient décidé qu’il était constitutionnel de torturer légalement des animaux en public dans 11 départements, tout en punissant sévèrement ceux qui le feraient dans les 90 autres.

Mais là, fini le sale vieux temps de la mort-spectacle où il était bien vu de s’afficher. Même Valls trouve qu’il est honteux d’aller à une corrida. Pour lui, comme pour Fillon et Sarkozy sous la présidence de ce dernier, aller se montrer au milieu des sadiques avides d’agonies programmées, c’est devenu indécent, ça ne se fait pas, ça vous salit. Qu’on nous permette d’y voir une conséquence évidente de toutes les actions que nous menons depuis des décennies pour que le grand public en soit de plus en plus conscient. D’ailleurs, l’actuel ministre du Travail, François Rebsamen, est signataire du manifeste du CRAC Europe, comme quelques autres de ses collègues ministres.

Malgré l’attitude systématique de déni des aficionados, malgré leurs mensonges, malgré leur mauvaise foi, tôt ou tard la réalité s’impose : supplicier et tuer un bovin dans une arène n’a rien de digne, rien de beau, rien de brave, rien de respectable. C’est de la barbarie, du sadisme, de la perversion. Et, oui, c’est une honte que d’y participer. Même Manuel Valls vient enfin de le réaliser.

Les aficionados eux-mêmes le savent et le disent, la corrida va disparaître. Rien ne la justifie. Cette horreur ne survit qu’à cause des magouilles crapuleuses de ceux qui l’organisent en s’enrichissant sur le dos des subventions locales et européennes. Combien de taureaux et de veaux doivent-ils encore succomber avant que ce supplice soit enfin renvoyé aux bas-fonds de l’Histoire ?

Allez, Monsieur Valls, soyez cohérent jusqu’au bout, vous qui êtes réputé pour agir avec fermeté et détermination : abolissez cette pratique dont vous avouez vous-même qu’elle est honteuse. Vous en avez le pouvoir.

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