Il faut dissoudre l’aficion
On parle beaucoup ces jours-ci de dissoudre certains groupes violents. La dernière à avoir marqué les esprits a été celle de Troisième Voie, groupuscule fasciste directement responsable de nombreuses échauffourées, dont celle ayant conduit à la mort d’un jeune militant antifasciste.
Plus récemment, certains porte-voix aficionados, y compris des députés, ont tenté d’attirer l’attention du pouvoir et, au minimum, des médias en demandant la dissolution du CRAC Europe – ce qui n’avait aucune chance d’aboutir puisqu’il n’existe aucun cas de violence avérée commise par un seul adhérent de cette association, dont les statuts précisent en toutes lettres qu’elle agit de façon strictement non-violente.
En revanche, depuis quelques temps, les cas de violences commises par des aficionados se multiplient. Alors, posons-nous la question : faut-il dissoudre l’Aficion ?
Reprenons les cas de figures prévus par la loi et essayons de voir si les différents agissements des aficionados relèvent ou pas de chacun d’entre eux. Pour la clarté de la lecture, les textes de loi sont en italiques, ceux relatifs aux aficionados en caractères droits.
Dissolution judiciaire
La dissolution par voie judiciaire intervient sur demande des pouvoirs publics ou à la requête de toute personne y ayant un intérêt légitime, dans les cas suivants :
– objet illicite
Est-il licite de promouvoir la corrida dans les 90 départements où elle est illégale ? On peut se poser la question. Les clubs taurins pratiquent au minimum une apologie ouverte de délits réprimés par le Code pénal de deux ans d’emprisonnement et 30000 euros d’amende : sévices graves et actes de cruauté, ce n’est pas rien, quand même. Il serait donc temps de dissoudre tous les clubs taurins qui ne sont pas localisés dans les 11 départements où une exception à la loi les tolère pour cause de tortures pratiquées depuis suffisamment longtemps pour qu’elles en deviennent normales aux yeux du législateur. Quant à ceux qui sont dans ces tristes 11 départements, ils seront dissous une fois que l’un ou l’autre des motifs énumérés ci-après auront été pris en compte par les autorités pour dissoudre l’aficion dans son ensemble.
– association créée ou détournée de son objet pour commettre des infractions graves,
Les arnaques répétées à la TVA sont-elles considérées comme des infractions graves ? Les détournements de subventions rentrent-ils dans cette catégorie ? Et l’embrigadement de mineurs pour leur apprendre à torturer et tuer des ruminants en leur faisant croire que c’est sans importance ? Si vous répondez oui à une seule de ces questions, alors il faut dissoudre les associations concernées, à commencer par les écoles taurines, même celles qui s’entraînent chez les gendarmes.
– dérives sectaires caractérisées par diverses infractions (atteintes aux personnes, exercice illégal de la médecine, publicités mensongères, par exemple),
Les atteintes aux personnes pullulent dès lors qu’on pratique une forme ou une autre de tauromachie. Quant aux publicités pour les corridas qui font croire qu’il s’agit d’une fête ou d’une chorégraphie, elles sont de toute évidence mensongères puisqu’elles occultent le fait que l’animal est transpercé à de multiples reprises à l’arme blanche avant d’être achevé.
– conflit sérieux et permanent entre les membres de l’association, rendant impossible le maintien du lien associatif et la poursuite des activités.
Il suffit de lire régulièrement les chroniques d’André Viard pour voir à quel point ces conflits gangrènent l’Aficion. Comme dit le proverbe : avec des amis comme ça, ils n’ont pas besoin d’ennemis.
La décision d’interdiction est prise par le tribunal de grande instance du siège de l’association.
On pourrait peut-être écrire aux tribunaux pour les informer ? Ils n’ont pas l’air d’être au courant.
Dissolution administrative
Une mesure d’interdiction d’une association par l’autorité administrative n’intervient que dans des cas expressément prévus par la loi, et notamment lorsque :
– les membres d’une association ont commis en réunion, en relation ou à l’occasion d’une manifestation sportive, certains actes répétés tels que dégradations de biens, violences, incitation à la haine,
Alors là, leur compte est bon.
Le 8 octobre 2011 à Rodilhan, une trentaine d’aficionados sont venus lyncher et agresser sexuellement des militants anticorridas enchaînés, assis par terre et qui leur tournaient le dos. Aucun militant n’a répliqué aux coups. Les 70 plaintes qui ont été déposées ont été instruites, les auteurs des exactions ont été identifiés, l’instruction a été bouclée à l’automne 2013. Curieusement, aucune date d’audience n’a encore été donnée. Le fait que certains complices directs de ce lynchage filmé dans son intégralité et largement diffusé sur internet soient le maire de Rodilhan, le maire de Nîmes et l’adjoint à la Culture et à la Tauromachie de ce dernier, tous les trois hilares pendant le déroulement de ces violences en réunion, n’est probablement qu’une coïncidence.
Le 24 août 2013, à Rion-des-Landes lors d’une manifestation totalement non-violente du côté des anticorridas, un aficionado a tabassé un militant qui a eu le seul tort de passer à sa portée, avec la complicité d’un pompier en civil qui lui entravait les bras. Le militant s’est retrouvé dans le coma pendant plusieurs jours. Il est toujours suivi médicalement.
Le 6 avril 2014 à Béziers, des aficionados furieux et probablement ivres bousculent violemment et font tomber des manifestants qui se contentent de tenir des panneaux devant les arènes, sur la voie publique. La scène a été filmée par plusieurs personnes présentes. Aucune poursuite n’a été engagée contre l’agresseur.
Le 19 juillet 2014, trois militantes qui distribuaient des tracts sur la voie publique à Méjanes, à plus d’un kilomètre des arènes de cette commune, ont été violentées par un groupe d’employés du club taurin Ricard de cette ville. Ils ont déboulé sur elles à scooter, moto et voiture. Les trois femmes ont été sauvagement frappées et n’ont dû leur salut qu’au fait qu’une voiture de police passait par là. Plusieurs agresseurs ont été identifiés. Les militantes ont toutes les trois porté plainte.
Le 28 juillet 2014, alors qu’un petit groupe de personnes manifestait pacifiquement contre la corrida qui se tenait à Beaucaire, deux aficionados se sont jetés sur l’un d’entre eux et l’ont frappé violemment sans aucune autre raison que sa présence sur les lieux. Ils ont été aussitôt mis en garde à vue. Le militant agressé a déposé plainte.
Et vous savez quoi ? Il n’y a aucune raison que cette liste s’arrête là puisque jusqu’à présent les violences énumérées ci-dessus n’ont jamais été réprimées par un tribunal, même les plus anciennes. Normal que les aficionados se sentent protégés et laissent libre cours à leurs instincts les plus vils (ce sont ces mêmes instincts qui leur font aimer l’agonie de bovins, le goût du sang et de l’humiliation).
– l’association à l’encontre des groupes de combat ou milices privées,
Aucun cas à ce jour d’agression menée par des aficionados qui relèverait de ce cas de figure. Et pour cause : les groupes auxquels s’opposent les aficionados sont tous non-violents. Il ne peut donc exister parmi eux de « groupes de combat » ou de « milices privées ».
– à l’encontre des groupements agissant contre la République (groupements terroristes).
Même remarque que ci-dessus. S’il est vrai que les aficionados traitent régulièrement les militants anti-corrida (et plus spécialement ceux du CRAC) de « terroristes », il ne s’agit là que d’outrance verbale. Aucun militant du CRAC n’a jamais procédé à des attentats, des enlèvements ou d’autres actes terroristes quels qu’ils soient.
La décision de dissolution est prise directement par décret pris en Conseil des ministres
Messieurs les ministres, à vous de jouer : déclarez la dissolution de l’aficion, ce ne sont pas les motifs qui manquent.
Roger Lahana
Vice-président du CRAC Europe