Corrida et politique
Une tribune de Gérard Charollois
Bien que les législateurs français et d’autres pays reconnaissent solennellement le « caractère sensible de l’animal », que le fait de tourmenter un animal domestique ou tenu captif constitue un délit, que des penseurs contemporains réfléchissent, enfin, au rapport de l’humain avec les autres espèces, l’été ramène la «temporada» des corridas.
Pour quelques dizaines de milliers d’amateurs dont nombre de politiciens, la torture publique d’un taureau représente un spectacle dans lequel ils voient une symbolique du combat de l’homme contre l’animalité, d’une conjuration de la mort et autres billevesées fumeuses dont les tenants d’un indéniable sadisme revêtent leur perversion.
Par-delà le paravent des mots, il ne s’agit que d’un jeu du cirque impliquant la souffrance et la mort d’un être sensible.
Or, ce spectacle sanguinaire suscite la réprobation de l’immense majorité de nos contemporains. Des associations militent pour l’abolition de ce rituel dont le ridicule le dispute à la cruauté.
Depuis quelques décennies, des parlementaires signent des «propositions de lois» en ce sens et, abeilles contre la vitre, les militants de la cause animale se réjouissent de ces soutiens dont ils attendent l’arrêt de ce mépris du vivant, de cette injure faite à la dignité humaine indissociable d’un haut degré de compassion envers toute souffrance.
En fait, les politiciens qui s’expriment contre la corrida, qui signent des propositions de lois, enjeux moraux pour les protecteurs du vivant, savent parfaitement que leur positionnement n’engage à rien. Dans le système constitutionnel actuel, une proposition de loi a bien peu de chance d’être discutée au Parlement, aussi longtemps que le pouvoir exécutif n’en décide pas l’inscription à l’ordre du jour des assemblées.
Ces politiciens savent également qu’en totale décalage avec l’opinion publique, la classe politique, sélectionnée sur des critères psychologiques qu’il conviendrait de démonter par ailleurs, est favorable à cette «tradition culturelle». Les leaders des partis, Sarkozy, Juppé, Valls et consorts apprécient le spectacle d’agonie et ne laisseront pas la piétaille parlementaire déférer aux «radicaux de la défense animale».
Il y a ainsi, dans une classe politique en rupture avec les citoyens, des réflexes et des éléments de langage que commencent à décrypter un nombre croissant de personnes. Seule une véritable volonté politique, une force pour le vivant, pourront imposer à la classe politique l’abolition de la corrida. Concrètement, discourir, adopter des postures pour plaire à une fraction de l’opinion, ne suffisent plus.
Il faut que le parti de la vie inscrive, dans tout accord de partenariat, dans tout programme de législature, cette abolition sans laquelle il n’y aura pas d’accord, pas de soutien à une quelconque majorité. Devenir ministre, soutenir un gouvernement, sans exiger cette abolition constitue un déshonneur.
Nous ne pouvons pas faire, hélas, immédiatement, de ce monde, un merveilleux jardin de paix, d’harmonie, de bonheur, mais nous pouvons obtenir des avancées concrètes, effectives, importantes pour tendre vers une société nouvelle.
Refusons nos soutiens à ceux qui font de la mort un spectacle ou un loisir.
Je mène ce combat et vous assure que jamais je n’apporterai mon concours à aucune formation complice des agressions contre l’arbre, l’animal et l’homme.
Gérard Charollois
Convention Vie et Nature