Corrida au patrimoine culturel espagnol, l’échec des taurins
Après une longue et très active campagne des pro-corrida en Espagne, le Sénat de ce pays vient de se prononcer en votant pour le classement de la tauromachie au seul classement au catalogue du patrimoine culturel. Contrairement à ce que tentent de faire croire certains sites taurins, il s’agit là d’un échec cinglant pour les aficionados.
En effet, ce qui était visé était bien plus ambitieux puisqu’il s’agissait de la faire reconnaître comme “Bien d’Intérêt Culturel” et non comme “patrimoine culturel”, une étiquette qui est purement symbolique puisque ce classement n’a aucun impact juridique.
Le quotidien El Païs, habituellement pro-corrida, ne s’y trompe pas. On peut y lire ce diagnostic sans appel :
“Les trois objectifs fondamentaux du projet ont échoué : imposer le retour de la corrida en Catalogne, rendre la corrida intouchable vis à vis des tentatives d’abolition et la faire classer “Bien d’Intérêt Culturel” ce qui engagerait l’Etat plus fortement à la soutenir. La formule finalement trouvée du “patrimoine culturel” est édulcorée puisqu’elle reste limitée à une reconnaissance morale qui n’engage en rien l’administration publique“.
Rappelons qu’en Espagne, le nombre de spectacles tauromachiques est en chute continue depuis dix ans, avec une réduction de 40% rien qu’entre 2007 et 2012. Selon les chiffres officiels les plus récents, 92% des Espagnols ne sont jamais allés voir de corrida dans les cinq dernières années. D’après El Païs, cela est principalement dû à l’augmentation de la sensibilité des Espagnols vis à vis de la protection animale.
Beatriz MacDowell, spécialiste de la tauromachie dans les pays hispanophones et lusophones au sein du CRAC Europe, en témoigne : “Je peux confirmer que c’est une réalité. J’étais à Madrid il y a quelques jours. Dans les parcs, j’ai vu des chats bien nourris et en bonne santé, des abris installés un peu partout pour eux. En interrogeant une dame qui leur donnait à manger, elle m’a dit que depuis des années la Mairie, en partenariat avec les associations de protection du chat errant, prend en charge les stérilisations, les abris, et mène une politique de protection de ces animaux. Lorsque je vivais à Madrid, de 1985 a 1991, les chats errants étaient poursuivis et exterminés par les services de la Mairie elle même.”
Ce vote du Sénat reflète donc un échec cinglant pour les plus ultras des aficionados : non seulement rien n’empêchera la Catalogne de rester abolitionniste, mais la tendance profonde du peuple espagnol est d’aller de plus en plus nettement vers la disparition totale des corridas dans ce pays qui les a vues naître. Une évolution d’autant plus inéluctable que ce même vote du Sénat confirme qu’aucun frein juridique ne pourra être opposé à de nouvelles offensives des diverses régions qui composent l’Espagne pour rejoindre, à leur tour, les terres débarrassées de cette barbarie, comme le sont déjà la Catalogne et les Canaries.