Deux militants anticorrida se sont retrouvés devant le tribunal de Dax le 22 février 2016, suite à des plaintes déposées par la mère d’une petite fille avec laquelle elle se rendait à une corrida à Dax le 21 avril 2014. Ce jour-là, des manifestants anticorrida étaient rassemblés au plus près des barrières installées par les forces de l’ordre, au niveau d’un passage permettant aux spectateurs de se rendre dans l’arène. Parmi ces derniers, un couple s’est avancé avec deux enfants, un garçon et une petite fille. Lorsque la petite fille a entendu les militants expliquer ce qui allait arriver aux taureaux, elle a lâché la main de son père et elle est revenue vers la sortie. Toute la scène a été filmée. Les images montrent que la fillette refusait d’aller vers l’arène, mais que sa mère l’a forcée à la suivre quand même. Il est à noter que la mère est professeur des écoles.

Maître Hélène Thouy, avocate mandatée par le CRAC Europe pour la protection de l’enfance, défendait les deux militants. Elle a obtenu la relaxe pure et simple pour la militante qui a filmé la scène. Ce jugement en première instance tend à montrer qu’il est donc permis de filmer une scène se déroulant sur la voie publique, même lorsqu’il s’agit d’aficionados accompagnés de leurs enfants. Le second manifestant a, lui, été condamné à une amende pour avoir réalisé un montage à partir de l’une des images de la vidéo, ce qui d’un point de vue juridique constituait une infraction. Reste à savoir si le jugement fera l’objet d’un appel ou pas – le délai est de dix jours.

Au cours de sa plaidoirie brillante, Maître Thouy a eu l’occasion de revenir sur les multiples condamnations émises non seulement en France mais dans le monde au sujet de la présence d’enfants lors de corridas.

C’est ainsi qu’elle a pu citer le rapport écrit par le professeur Hubert Montagner, spécialiste du développement psychophysiologique des enfants qui a visionné la vidéo incriminée et qui condamne fermement le fait d’imposer à des enfants la vue de ces pratiques consistant à infliger en public diverses blessures à des bovins puis à les achever . De l’avis quasi unanime des psychologues et pédopsychiatres, l’exposition à ces spectacles est à l’origine de désordres psychiques significatifs chez ces enfants.

Au niveau international, c’est rien moins que l’ONU, via son Comité des Droits de l’Enfant (Children Rights Committee, CRC), qui a émis depuis 2014 des recommandations extrêmement précises qui visent à restreindre ou interdire l’accès des corridas aux mineurs. Le CRC est l’organe officiellement chargé de vérifier l’application de la CIDE (Convention internationale des droits de l’enfant), laquelle est une convention juridiquement contraignante pour les États-parties depuis 1990. Depuis 2014, le CRC a fait part de ses préoccupations et de ses recommandations à propos des mineurs et des corridas pour le Portugal, la Colombie, le Mexique, le Pérou et, il y a quelques semaines, la France.

En France, le Code pénal caractérise juridiquement les corridas de « sévices graves et actes de cruauté sur des animaux » (article 521-1, section Crimes et Délits). Ce sont pourtant des personnes qui contestent leur survivance – ou s’opposent aux risques traumatiques que cela présente pour des enfants – qui se retrouvent régulièrement poursuivies en justice dans certains départements du sud de notre pays.

Roger Lahana
Vice-président du CRAC Europe

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