L’ogre et son pantin
Saviez-vous qu’en français le mot “ministre” veut dire “serviteur” ? Philippe Martin, notre triste ministre de l’Ecologie, vient de l’illustrer de bien servile manière.
Son arrivée au gouvernement avait provoqué un tollé unanime dans les rangs de tout ce qui compte en protection animale dans notre pays. Comment, en effet, se pouvait-il que l’écologie – donc la défense de la Nature – soit confiée à un homme si entièrement engagé à promouvoir la souffrance animale ? Car Philippe Martin est à la fois un aficionado convaincu, un partisan actif du gavage des oies et un soutien efficace de la pratique de la chasse.
Peu après sa nomination, le bruit a couru qu’il reniait son intérêt pour la corrida. Diversion ? Nuage de fumée ? Lorsque j’en ai entendu parler, mon premier réflexe a été de ne pas y croire une seconde, mais plutôt d’y voir une continuation de la doctrine édictée par Nicolas Sarkozy en 2007, ainsi que l’avait révélé son conseiller d’alors, Pierre Giacometti, dans une interview au magazine espagnol ABC : “Beaucoup de politiques aiment les corridas et ne peuvent aller aux arènes, compte tenu de la pression et pour ne pas alimenter la polémique. Ils ne veulent pas alimenter un débat qui d’autre part est excessif. Nicolas Sarkozy a décidé de limiter sa présence dans les arènes françaises“. Et il avait imposé à ses ministres d’en faire de même, Fillon en tête.
Hier, André Viard, président de l’Observatoire National des Cultures Taurines, racontait dans un éditorial sur son blog Terres Taurines une toute autre histoire. Nul doute qu’il nous donnait là une information de première main puisque, à l’en croire, le ministre en personne venait de l’appeler sur son portable pour l’assurer de “sa fidélité au monde de la tauromachie“.
Saluons la simplicité de Philippe Martin : lorsqu’il est mis en cause, il prend lui-même son téléphone pour se justifier devant ses détracteurs. Il doit avoir un sacrément bon forfait s’il passe des coups de fil à chaque fois qu’on le critique. Je plaisante, bien sûr. Il ne se sent obligé de le faire que devant ceux qu’il reconnait comme ses maîtres : le Premier ministre, le président de la République et… André Viard.
Voilà qui donne une sacrée importance à cet ogre vieillissant, porte-drapeau auto-proclamé de l’aficion qui nous livre ses états d’âme (plutôt dépressifs ces derniers temps) sur le monde tel qu’il va à l’aune de sa sinistre passion à la dérive.
Attention, nulle diffamation ou injure dans le fait que je l’appelle un ogre : Viard a tout de même créé une oeuvre (?) de 5 mètres sur 2 mètres 50, faite entièrement du sang d’un taureau qu’il avait torturé et tué lui-même, mélangé à du goudron. N’est-ce pas digne du plus horrifique des contes moyenâgeux ? Aucun ogre ne renierait un tel fait d’arme.
Or donc, le ministre Martin a tenu à renouveler auprès de Viard son allégeance sans faille à la corrida, “sur un ton courtois, peiné mais ferme” précise ce dernier. “Cette rumeur avait été lancée par un adversaire politique“, ajoute-t-il. Ces gens-là sont vraiment sans pitié : oser sous-entendre que ce pauvre Martin n’aime plus la corrida pour le salir, vous vous rendez compte ?
Et ce pauvre serviteur humilié (de l’Etat et de la souffrance animale) d’ajouter “sur un ton de sincérité qu’on ne saurait mettre en doute” que d’avoir lu son idole Viard “mettre en doute sa passion” pour les spectacles de torture taurine “plus que de l’agresser, l’a blessé“. J’écrase une larme d’émotion devant cet aveu bouleversant.
Non mais, sans rire, peut-on imaginer pantin plus servile ?
A ces mots, Viard ne se sent plus de joie, il ouvre un large bec et laisse tomber cette fière affirmation suivie d’une confidence comme on en échange au plus haut niveau entre gens de bonne compagnie : “Monsieur le ministre n’est prêt à aucun renoncement. Au demeurant, il participera en septembre à un déjeuner de despedida organisé en l’honneur de Jean Grenet qui fut son président de groupe Corrida à l’Assemblée Nationale.” Pour les non-hispanisants, despedida veut dire adieux. Ça tombe bien, on ne les retient pas.
J’ai gardé le meilleur pour la fin. J’évoquais plus haut la doctrine Sarkozy sur la corrida. Hé bien, elle reste en vigueur, semble-t-il. Viard, ce fier héraut de la tauromachie, pense toujours qu’il est déplacé pour une personnalité de se montrer dans une arène. Il prend en effet bien soin de le rappeler à ses ouailles qui pourraient s’imaginer trop vite que, du coup, Monsieur le Ministre va aller frimer ostensiblement lors des prochaines séances de torture : “Philippe Martin ne peut bien sûr brandir l’étendard de la cause taurine, ce que nul n’a d’ailleurs eu l’innocence de lui demander.“
André Viard qui a honte de la corrida, ça vaut le détour.
Tiens, ça me rappelle un certain slogan…
Retrouvez ce billet et beaucoup d’autres sur le blog d’Anna Galore