Mont-de-Marsan, tous unis contre la barbarie des arènes
Mont-de-Marsan, l’une des pires villes de sang du sud de la France
Alors que les arènes de la plupart des communes torturomachiques voient leur fréquentation s’effondrer, à Mont-de-Marsan, ce sont encore plusieurs milliers d’aficionados qui continuent à venir se gaver de l’agonie d’une centaine de taureaux et veaux durant les quatre jours des fêtes de la Madeleine.
Il faut, au passage, relever une fois encore que les férias n’ont pas besoin des corridas pour être des succès économiques, contrairement à ce que répètent les blogs taurins comme pour s’en convaincre : samedi, il y avait selon la police 120 000 fêtards dans les rues du centre-ville pour 7 000 dans l’arène. Autrement dit, 95% de la foule venue à Mont-de-Marsan ne montrait aucun intérêt pour les corridas qui s’y tenaient.
La grande manifestation unitaire anticorrida organisée à l’appel du CRAC Europe avec une vingtaine de partenaires associatifs de toute taille et de plusieurs nationalités a été, de très loin, la plus grosse jamais observée dans cette ville dont la maire est présidente de l’union des Villes Taurines de France. Alors que rendez-vous était donné aux manifestants à partir de 15 h, nous étions déjà 600 vers 14 h, 800 à 15 h et plus de 1000 quand le cortège s’est mis en marche à 16 h 30. Certains journalistes approximatifs se sont contentés de donner le chiffre le plus bas, cela ne nous surprend pas.
Une mobilisation sans précédent dans cette ville
Le simple fait qu’une telle mobilisation ait eu lieu est un succès à part entière. Rappelons que le pays était (est toujours) en état d’urgence, aggravé par l’horrible attentat de Nice survenu quelques jours auparavant. Le préfet a utilisé ce prétexte pour nous imposer un parcours réduit et un horaire écourté. Il lui aurait été difficile de prononcer une interdiction pure et simple alors qu’il venait d’autoriser le maintien des fêtes au centre-ville avec cent fois plus de personnes largement alcoolisées et libres de tout mouvement le même jour.
En tant qu’organisateurs, nous avons bien entendu refusé ces restrictions et les avons contestées devant le tribunal administratif de Pau. Le juge – qui se présente comme “un enfant du pays attaché aux traditions”, ce qui en dit long – a tranché en faveur du préfet la veille de la manifestation. Nous n’allions pas baisser les bras pour autant, bien au contraire.
Le préfet impose aux chauffeurs de violer la loi et de mettre en danger leurs passagers
Dès 14 h, premier incident avec le responsable de la police : il nous a fait savoir que puisque la manifestation serait dissoute à 20 h, les bus devraient repartir à cette heure-là. Or, la loi impose aux chauffeurs, pour des raisons de sécurité évidente, un repos consécutif de 9 heures, ce qui voulait dire un départ au plus tôt à 23 h ou minuit. Ce point avait été mis en avant par Roger Lahana lors des négociations à la préfecture dès le 11 juillet lorsqu’il lui avait été dit que le préfet exigerait un arrêt à 20 h. Ce jour-là, il avait eu en réponse un assentiment sur le fait que les manifestants pourraient attendre sur place leurs bus jusqu’à l’heure légale. Et là, il n’en était plus question.
Pour violer la loi, le préfet avait prévu de réquisitionner les chauffeurs, leur ordonnant de quitter la ville avec leurs passagers dès 20 h et de s’arrêter quelques kilomètres plus loin sous escorte policière pour finir de prendre leur repos.
Ce procédé scandaleux – puisqu’il prend le risque de mettre en danger la vie des passagers des bus en raison du repos insuffisant des chauffeurs – n’est malheureusement pas une nouveauté : il a été mis en oeuvre exactement de la même façon il y a quelques années à Gannat lors d’une manifestation contre le laboratoire Harlan qui élève des chiens destinés aux horreurs des essais pharmaceutiques. Les passagers du bus à destination de Lille avaient été évacués précocement de cette façon-là grâce à des réquisitions identiques à celles mises en place par le préfet de Mont-de-Marsan.
Le soutien de Rama Yade et de nombreux partenaires de plusieurs pays
Vers 14 h 30, Rama Yade a rejoint les manifestants déjà arrivés sur le parking qui nous servait de point de rendez-vous. Elle a été accueillie par une ovation et a semblé nettement touchée par notre enthousiasme à la voir parmi nous. Malgré les violentes attaques qu’elle a subies de la part de porte-voix de l’aficion, elle n’a pas reculé.
Roger Lahana, vice-président du CRAC Europe, a pris la parole pour rendre hommage à Jean-Pierre Garrigues et expliquer les raisons de son absence, puis expliquer le déroulement prévu de la journée : point fixe jusque vers 16 h 30 pour différentes prises de paroles et un happening, puis mise en place d’un cortège pour remonter l’avenue du Houga jusqu’au barrage installé par la police. Il a rappelé le contexte dans lequel nous nous trouvions : quelques jours auparavant, une soirée réunissait un certain nombre de notables montois, dont la maire et le préfet ; l’un des notables a évoqué l’attentat de Nice et a déclaré qu’il s’agissait là “d’un premier pas dans l’intolérance”, ajoutant que le prochain serait de “vouloir interdire la corrida”. Pour ce monsieur, nous sommes donc assimilés à des terroristes, à des criminels. Pour ce monsieur, certes 84 morts c’est horrible, mais ce n’est qu’un “premier pas” par rapport à l’interdiction de la tauromachie qui serait, selon lui, une bien plus grave catastrophe. Absolument abject et indécent. Roger a ensuite fait observer une minute de silence en mémoire des victimes de Nice.
Puis, la parole a été donnée à Rama Yade. Son discours, entièrement consacré à la cause animale sans la moindre allusion à son agenda politique, a été chaleureusement acclamé. Nous la remercions profondément pour sa sincérité et son engagement à nos côtés. Pendant toute la durée de sa présence, elle s’est, de plus, montrée d’une disponibilité totale, parlant volontiers en toute simplicité avec quiconque l’abordait.
Différents intervenants se sont relayés, le micro étant proposé à tout partenaire qui souhaitait s’exprimer. Didier Bonnet a lu un message de soutien de Jean-Pierre Garrigues. Thierry Hély (président de la FLAC, très actif dans la co-organisation de cette manifestation) a lu les soutiens de personnalités telles que Nicolas Hulot et Yves Paccalet. Gérard Charollois (CVN) a prononcé un discours vibrant.
Walter Caporale (Animalisti Italiani) a dit à quel point il était important pour nos voisins italiens d’être présents avec nous. Il en a été de même pour Marius Kolff, président de CAS International et membre du bureau du Réseau International Antitauromachie (RIA), dont le CRAC Europe fait partie depuis 2007. Ont également parlé Alain Perret (Les Exclus Sauvages), Jean-Marc Governatori (AEI) à qui nous devons la venue de Rama Yade, Sacha Doligé (Rassemblement éco-citoyen du Gers), Carole Saldain (EHBAC) et Catherine Désert, cette dernière sur la question des liens entre corrida et église catholique, en opposition frontale avec les préceptes de base de cette religion. Rita Silva (Animal, Portugal) a ajouté ses propres mots de soutien plus tard dans l’après-midi, étant arrivée tardivement en raison de barrages policiers.
Un happening émouvant
Le happening s’est alors mis en place : un grand nombre de manifestants se sont assis sur la pelouse qui jouxtait le parking, tenant devant leur visage la photo d’un demi-visage de taureau. Cette mise en scène a été initialement utilisée à Valencia par l’association espagnole Anima Naturalis (membre du RIA), qui nous a transmis le visuel original et que nous remercions.
L’effet était saisissant, très émouvant. De nombreux photographes professionnels ou amateurs ont immortalisé ce moment spectaculaire.
Un parcours raccourci abusivement, des violences policières scandaleuses
Le cortège s’est formé et s’est avancé sur l’avenue du Houga. Lorsqu’il a été complètement déployé, un comptage précis a été réalisé par deux déléguées du CRAC Europe, ce qui nous a permis d’annoncer avec certitude le millier de manifestants mentionné plus haut.
Nous avons profité du trajet pour rappeler que la corrida est un délit et que nous étions donc là pour simplement demander que la même loi réprimant les sévices graves sur animaux s’applique à tous les Français. Nous avons aussi expliqué l’attitude du préfet, du juge et des autorités en général.
Une fois arrêtés au niveau du barriérage dressé par la police, nous avons fait hurler les sirènes et surtout nos voix pour dire non à la torture et à la barbarie. Un incident qui aurait dû être mineur a provoqué l’unique recul (temporaire) des manifestants : deux militants ayant un peu trop secoué une barrière aux yeux du responsable de la police, des jets de lacrymos ont gazé tout le monde sans distinction, y compris des enfants et des personnes âgées, le tout sans sommation. Une réaction disproportionnée, puisqu’il aurait suffi aux forces de l’ordre d’appréhender uniquement les deux militants pour leur demander d’arrêter, au lieu de faire subir les lacrymos à l’ensemble des personnes présentes.
Nous sommes très vite revenus au plus près des barrières, encore plus motivés à ne pas céder à cette intimidation grotesque – largement prévisible après tout ce que les autorités avaient fait avant la manif pour faire monter la pression au lieu d’apaiser la situation.
Parole libre aux militants
Le rappeur Res Turner, très engagé de longue date dans la cause anticorrida, a galvanisé les militants en leur faisant scander “Ouvrons les consciences, stoppons la corrida”.
Le micro a ensuite circulé librement parmi les manifestants, permettant à quiconque le souhaitait de s’exprimer. Certaines interventions ont été particulièrement fortes et émouvantes. Citons en particulier celle d’une Niçoise rescapée de justesse du massacre du 14 juillet qui a apostrophé les policiers en leur disant qu’à Nice, elle n’en avait vu aucun que le camion conduit par un fou a tué ses 84 victimes, alors qu’ils étaient là en force, face à nous qui étions pacifiques et ne présentant aucun danger pour la vie de personne. Une autre leur a demandé pourquoi ils étaient en tenue de combat, casqués, alors que nous n’avions que des t-shirts et des savates – ils ont fini par retirer leur casque, visiblement piteux.
Une minute de silence a été demandée pour les taureaux en train d’agoniser. Tout le monde s’est assis par terre pour se recueillir.
Une dame âgée montoise a ensuite pris le micro à son tour. Elle nous a expliqué que tout le monde à Mont-de-Marsan n’était heureusement pas procorrida, à commencer par elle qui s’y est opposée toute sa vie. Elle a été longuement applaudie.
Dernières pressions injustifiées et dangereuses de la police
Il était 19 h 30 et il a été proposé aux militants de revenir vers le parking de départ puisque la manifestation devait être dissoute à 20 h. Lorsque les bus ont commencé à se présenter, les militants n’étaient absolument pas décidés à jouer le jeu pourri imposé par la préfecture au mépris de la loi et surtout de leur sécurité. Ce n’est que vers 21 h que la plupart des bus ont fini par partir, les manifestants acceptant finalement de monter à bord, sous la menace d’être arrêtés et réprimés par des amendes pour cause de “rassemblement illégal”.
Notre avocate, Maître Thouy, qui a à son actif la relaxe de dizaines de militants anticorrida abusivement poursuivis et qui était sur place avec nous pour nous aider à négocier, n’a pas réussi à avoir gain de cause : à bout d’argument, le commissaire nous a clairement dit que puisqu’il y avait état d’urgence, il pouvait imposer ce qu’il voulait. L’arbitraire et la loi du plus fort, encore et toujours, au mépris total de l’état de droit.
Une détermination contre la barbarie encore plus forte face à l’arbitraire
Globalement, l’immense majorité des manifestants a, malgré tout, vu un succès dans cette manifestation. Un millier d’anti-corrida à Mont-de-Marsan, ça ne s’était tout simplement jamais produit et le fait d’avoir bravé toutes les intimidations et tous les obstacles dressés par les autorités n’ont fait que renforcer la volonté des militants d’en finir le plus vite possible avec la barbarie tauromachique. A toutes et à tous, merci pour votre courage et votre détermination.
Abolition !
Revue de presse : http://www.anticorrida.com/actu/mont-de-marsan-revue-de-presse/
Messages de soutien : http://www.anticorrida.com/actu/mont-de-marsan-messages-de-soutien/
Photos : Roger Lahana