C’est une avant-première à laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille va être confronté ce vendredi 6 septembre 2013 à 9h30, à l’initiative du Comité Radicalement Anti Corrida (CRAC).

En effet, cette association, qui lutte pour l’abolition de la corrida en France, a fait le constat que le juge administratif n’a jamais été saisi de la question même de la légalité de cette pratique tauromachique.

Pendant plusieurs mois, une équipe pluridisciplinaire de juristes (magistrats, universitaires, chercheurs, doctorants …), de vétérinaires, de psychologues et de psychiatres a travaillé sur le sujet. Le constat qu’elle livre à l’appréciation de la juridiction phocéenne est accablant. Selon elle, la corrida est illégale car incompatible avec tout un ensemble d’autres dispositions. En particulier, la corrida est :

  • contraire à l’ordre public en ce qu’elle constitue une atteinte à la dignité humaine : la corrida « (…) apparaît distinctement comme un flagrant délit d’assouvissement de nos penchants les moins glorieux, la sourde et inavouée satisfaction liée à la souffrance d’autrui, la jubilation de la plus mauvaise part en soi » (Les mythes tauromachiques par Marc Fabre, éditions Presses du Languedoc, 2009, p. 176).
  • contraire aux articles 3-1 et 19 de la Convention internationale des droits de l’enfant qui prohibent toute forme de violence : « Agir pour tenter d’éviter aux enfants d’être les témoins ou les acteurs de pratiques cruelles sur des animaux me paraît non seulement utile mais louable. Il en va de leur équilibre et de la préservation des valeurs morales qu’il nous appartient de leur transmettre. Il est intéressant de noter que l’Espagne a déjà légiféré dans ce domaine en interdisant l’accès des arènes aux enfants âgés de moins de 14 ans » écrivait le 1er juin 2005, la Défenseure des Enfants, Claire Brisset.
  • contraire aux articles L.214-1 du code rural et de la pêche maritime (Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce) et L.214-3 de ce même code (Il est interdit d’exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques ainsi qu’envers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité). L’utilisation d’un taureau, animal herbivore pacifique, dans le cadre d’une corrida n’est pas compatible avec les impératifs biologiques de cette espèce, d’une part, et consiste, d’autre part, à lui infliger selon les termes mêmes du code pénal, des « sévices graves ou acte de cruauté ».
  • contraire à l’article R. 214-36 du code rural et de la pêche maritime aux termes duquel : « L’usage d’un aiguillon, c’est-à-dire de tout objet terminé à l’une de ses extrémités par une fine pointe métallique ou une lame acérée pour exciter ou faire se déplacer des animaux est interdit ».

Sur un plan plus technique, le CRAC remet en cause le fondement légal de la corrida selon l’article 521.1 du code pénal. L’alinéa de cet article qui l’autorise par exception dans certaines régions constitue une cause d’irresponsabilité pénale qui ne vaut pas reconnaissance du comportement en cause. Il est enfin juridiquement contestable que les articles R.214-63 et R.214-85 qui créent une dérogation au principe général d’interdiction de souffrances à un animal en les autorisant dans le cadre de corridas aient été édictées par le pouvoir exécutif (Premier ministre) et non par le Parlement.

Pour pouvoir porter le cas devant un Tribunal administratif, le CRAC a demandé le 24 mai 2013 au préfet de la région Provence Alpes Côte d’Azur, préfet des Bouches-du-Rhône et au maire de la commune d’Arles l’interdiction des corridas devant se dérouler dans cette cité, les 6, 7 et 8 septembre 2013. Sans surprise, sa demande a été rejetée par les deux autorités en question, sous forme de deux décisions refusant d’interdire les corridas en question.

Grâce à ces réponses écrites, le CRAC a pu demander au juge des référés du Tribunal administratif de Marseille de suspendre lesdites décisions et d’enjoindre le préfet et le maire d’interdire la tenue de ces corridas pour les motifs qui figurent ci-dessus. De plus, le CRAC demande à ce que l’entrée des corridas soit, dans tous les cas, interdite aux mineurs de 16 ans du fait qu’elles comprennent l’usage de piques, banderilles et épée.

Pour le CRAC
Jean-Pierre Garrigues, président

Partage

Shares