Un autre monde… Nous revenons d’un autre monde, le cœur lourd. Nous étions mille et nous ne faisions qu’un. Nous sommes partis à quinze et nous sommes revenus comme un seul homme.
La haine et la violence omniprésentes en ces lieux hors du temps ont rendu ces habitants tels des spectres sans âmes. Dans leurs yeux, la haine, l’agressivité, le vide…
Nous étions avec nos amis Espagnols pour tenter de bloquer les passages par lesquels le taureau Rompe Suelas devait passer, suivi par une bande de psychopathes avides de sang. Les cavaliers- piquiers munis de leur lance nous ont d’abord chargés, tentant de se frayer un chemin créant ainsi des mouvements de foules et des situations très dangereuses. Ni une ni deux, nous reprenions aussitôt le blocage, soudés comme jamais, complètement encerclés par des centaines d’aficionados hostiles qui, pour certains, n’hésitaient pas à nous frapper à coups de bâton. Des jets de pierres par ci par là à éviter, nous faisions bloc.
Nous n’étions qu’un, nous étions dans un autre monde, et la force de sauver Rompe Suelas.
Tout d’un coup, une euphorie générale de la part des aficionados, nous craignons le pire mais nous n’osions y croire… Il faut savoir que la police n’était absolument pas présente sur les lieux des affrontements avec les aficionados, nous laissant étrangement à ces sauvages. L’euphorie laissait craindre le pire, on venait de comprendre, le taureau était là à quelques mètres de notre chaîne humaine, le maire avait ordonné le lâcher malgré les centaines d’activistes pour certains enchaînés. Il fallait se rendre à l’évidence, il fallait faire très vite, il fallait nous mettre à l’ abri de ce coup bas.
Nous avons couru, aidé les camarades autour de nous, dans la confusion la plus totale.
Il passe, dans toute sa splendeur, affolé et chassé par une foule comme possédée… In extremis à l’abri sur un côté, il vient, nous regarde et, comme s’il avait compris, fait marche arrière et reprend sa course à l’évasion perdue d’avance.
Nous ne faisions qu’un.

A ce moment-là, nous avions compris. Rompe Suelas était condamné. S’en est suivie une immense émotion collective qui restera gravé en moi à jamais. Je tiens à remercier le groupe français, exemplaire dans la bataille et tout le temps en première ligne. Fiers. Merci aux activistes espagnols, toujours professionnels et exemplaires et tellement sincères dans leur combat. Merci à toi Nacho Gomez, tu es un vrai meneur et un mec en or, on reste ensemble dans la lutte qui devient petit à petit une bataille internationale.
Il n’y a pas de frontières dans la douleur.
A Tordesillas, le 15 septembre 2015, nous ne faisions qu’un.

Kalvin Schaeffer, délégué du CRAC Europe

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