Un arsenal de délits découvert chez plein d’aficionados
Le 7 septembre dernier, deux militantes anti-corrida qui circulaient sur la voie publique hors du périmètre interdit autour des arènes de Boujan pendant une corrida ont été arrêtées avec gyrophares, fouilles au corps, perquisition de la voiture, le tout suivi d’une garde à vue. Elles transportaient en effet ce que la presse à scandale, euh je veux dire la presse locale, n’a pas hésité à appeler « un arsenal ».
Les policiers chargés de leur garde à vue les ont rapidement relâchées, l’arsenal en question pouvant s’acheter en toute légalité dans n’importe quelle boutique de farces et attrapes ou sur internet à la rubrique « accessoires de paintball ». Les deux militantes n’avaient donc aucune raison d’avoir été arrêtées. Le matériel saisi était, en effet, constitué de grenades de peinture en vente partout sur internet au prix moyen de 4 euros la grenade, de pétards (on ne rit pas, les enfants), de lunettes (si, si, les lunettes, c’est dangereux), de masques (disponibles dans toutes les boutiques de bricolage au rayon peinture, si ça c’est pas du terrorisme…) et même, tenez-vous bien, de deux cornes de brume (effrayant).
De toute évidence, le journaliste qui a écrit cet article n’a pas d’enfants, ou alors il les a déjà livrés à la police depuis belle lurette pour terrorisme aggravé en découvrant des gadgets analogues dans leurs tiroirs ou pire, des sifflets en plastique (des aficionados peuvent vous rouer de coups pour moins que ça).
Ils ont dû tomber de leur chaise, à la Section Extrémismes Violents du Bureau de Lutte Anti-Terroriste, quand ce nouveau cas de violence exacerbée de redoutables anti-corrida, en vue d’un probable attentat terroriste déjoué de justesse, est remonté jusqu’à eux. Le coup des grenades de paintballs et des pétards, ils n’avaient encore jamais vu ça chez les djihadistes ou les ultra-nationalistes qu’ils surveillent à longueur d’année avec les moyens les plus sophistiqués. C’est dire si on peut toujours repousser les frontières de la terreur.
Remarquez, les CRS ayant procédé à l’arrestation sans aucune justification légale devaient être bien intentionnés, dans le fond : selon le journaliste, leur crainte était que les pétards ne fassent peur aux animaux. Ah ben voilà, c’était donc ça : ces deux militantes animalistes étaient en fait de dangereuses activistes aux motivations troubles, prêtes à tout pour faire peur aux moineaux du village. Ou aux chiens et chats du quartier. Pas aux taureaux, en tout cas : ces derniers étaient bien trop occupés à se faire transpercer de toutes parts et à se vider de leur sang sous les vivats joyeux du public pour se préoccuper de ça.
Heureusement que, côté aficionados, les gens sont bien plus respectueux de la loi. Enfin, sauf ce torero écroué pour proxénétisme en bande organisée avec une quinzaine d’autres mafieux, ou ce pédophile arrêté en flagrant délit de tripotage de petite fille dans les arènes de Mont-de-Marsan, ou ces violeurs en série lors des fêtes annuelles de Pampelune sans parler de celles de Vic-Fezensac, ou ces honnêtes organisateurs de corridas qui truandent consciencieusement le fisc depuis des années comme à Nîmes ou à Arles, ou ces braves garçons qui cultivaient 10 000 plants de cannabis dans des arènes espagnoles, ou ces spectateurs avides de sang humain à Rodilhan ou à Maubourguet qui ont lancé des appels au viol et au meurtre, voire sont passés à l’acte à grands coups de barres de fer, de poings, de pieds pour envoyer des anti-corrida aux urgences ou pour tout simplement les rouer de coups. La liste est encore longue, il y aurait de quoi écrire un livre entier là-dessus. D’ailleurs, je l’ai fait.
Remarquez, à la limite, certains vous diront que c’est moins grave que si, disons, au hasard, un responsable de club taurin roulait régulièrement sans permis complètement bourré bien que plusieurs fois condamné, risquant ainsi de tuer à tout moment n’importe quels innocents qui auraient le malheur de croiser sa route. Euh… attendez… au temps pour moi. Ça aussi, il y a des aficionados qui le font. Et quand l’irresponsable en question se fait prendre, il recommence juste après et ment à tout son entourage pour le cacher. Mieux, il repart du tribunal à nouveau condamné, toujours sans permis… au volant d’une voiture. C’est le Midi Libre du 20 juillet dernier qui nous l’apprend et cette fois, sans photo choc ou titre accrocheur – un sens de la réserve et de la discrétion qui l’honore.
Mais on ne va pas généraliser, n’est-ce pas. Ce n’est pas parce qu’une liste sans fin d’aficionados commettent des infractions allant du délit de droit commun jusqu’à la tentative de meurtre ou au viol (qui est un crime, rappelons-le) que tous le font. Ce n’est pas parce qu’ils se montrent de façon constante depuis des années d’une violence ahurissante envers des citoyens qui ne pensent pas comme eux qu’on va, nous aussi, les traiter de terroristes extrémistes violents dangereux prêts à tout. On sait se tenir, on n’est pas des viards.
Cela dit, ce n’est pas non plus parce qu’ils échappent la plupart du temps à des condamnations, même quand ils sont filmés en pleines exactions, qu’on va les considérer comme des braves gens ou des exemples de civisme. Et ce n’est certainement pas de brutes épaisses et de délinquants compulsifs qu’on attend des leçons de morale ou de bonne conduite.
Roger Lahana
Vice-président du CAC Europe