Décidément, la corrida salit tout ce qu’elle touche : les villes, les villages, la pensée et les caractères.

Le cas de Vieu-Boucau, qui a renoncé aux corridas sur son territoire, nous offre un exemple édifiant de ce dernier point : les aficionados n’en finissent plus d’étaler publiquement leur caprice, tel un enfant gâté qui se roule par terre en hurlant parce qu’on lui a refusé un paquet de bonbons qui coûtait trop cher au supermarché.
Ainsi, pour qualifier le rejet de la corrida de Vieux-Boucau, hyperboles et exagérations rivalisent de ridicule. « motif grave », « situation calamiteuse », « communication désastreuse », « censure » « passivité injustifiable », « otage », « sectarisme » – si sectarisme il y a, il est bien du côté des aficionados qui ne supportent pas la contradiction et qui ne représentent qu’un groupuscule de la population française. Le champ lexical est commun aux deux communiqués ; à deux doigts de nous rejouer l’Apocalypse selon saint Jean : on devine, terrifiés, que l’étape suivante verra des nuées de sauterelles s’abattre sur les champs et des myriades de scorpions jaillir de terre. Il fut un temps où André Viard – président de l’UVTF et plus largement chantre de la défense de la corrida en France et ailleurs – se réjouissait lorsqu’une proposition de loi abolitionniste n’était pas proposée aux discussions à l’Assemblée nationale. Il laissait éclater sa joie de ce que le législateur avait le bon goût de ne pas se saisir de sujets aussi futiles au regard de préoccupations plus sérieuses. On s’étonne aujourd’hui de son débordement d’outrances. Nous lui retournons son argument : il y a des sujets plus sérieux.
Comme la dette par exemple. Bien qu’il soit précisé que le club taurin de Vieux-Boucau ait organisé les corridas passées sans subventions municipale, il demeure que les financement indirects pèsent aussi dans le budget d’une commune et font partie intégrante des finances locales. La mise à disposition d’un édifice – en l’espèce les arènes – et de personnel municipal ont un coût que paye le contribuable. Ainsi, il est fallacieux de prétendre que les organisateurs de corridas s’auto-financent en totalité. De la même manière, le communiqué de l’UVTF rapporte que les arènes de Vieu-Boucau ont rassemblé plus de personnes qu’il n’y a d’habitants dans le village. Moitié de mensonge ou demi-vérité ?
Nous remercions Viard de confirmer ce que nous démontrions dans notre article du 25 février 2025 sur cette affaire : les aficionados se mobilisent pour laisser penser que les habitants d’une commune sont majoritairement favorables à la corrida. En outre, le maire lui-même a confirmé la désaffection de la tauromachie espagnole en 2024 – la mise en place de la corrida en 2023 avait créé l’évènement, d’où des arènes plus remplies.
L’argument juridique avancé par l’UVTF est également imparable : il n’y a aucun fondement juridique à supprimer la corrida de Vieux-Boucau. Gageons, et c’est plus pertinent au regard du délit qu’elle constitue – délit exempté de poursuites pénales dans certaines communes – qu’il n’y a également aucun fondement juridique à la maintenir à tout prix (celui payé par les Français, en l’occurrence). Une municipalité est parfaitement souveraine de ses décisions sans qu’on lui serve une moraline décalée au moyen d’arguties. Il était question plus haut de sectarisme…

Enfin, l’UVTF, sans rire, avance que le maire de Vieux-Boucau porte atteinte à « la culture taurine en particulier et [à] la landaise en général. » Rappelons que la corrida appartient à la tauromachie espagnole et que la landaise – et sa sœur la camarguaise – sont des tauromachies typiquement françaises.
Monsieur le Maire de Vieux-Boucau a pourtant été clair : il entend favoriser la landaise, à laquelle les gens du Sud-Ouest sont attachés et qu’éclipse la corrida. Il s’agit d’un amalgame bien connu qui nous est servi ad nauseam : celui qui assimile culture espagnole (corrida) et culture française (ici, la landaise). Nous nous étonnons qu’un autre amalgame célèbre ne soit pas avancé par l’UVTF, celui qui consiste à fondre dans un même moule corrida et féria. Il est vrai que l’affabulation eut été trop criante : les festivité sont maintenues à Vieux-Boucau. Seulement, elles n’auront plus le goût du sang.

Ce tapage médiatique qui abonde en crasses intellectuelles ne fait que servir la cause des taureaux et révéler publiquement l’état moribond de la corrida. Encore faut-il ne pas être aveuglé par son idéologie mortifère pour le comprendre. Les Français sont près de 9 sur 10 à rejeter drastiquement la corrida et l’évolution des mentalités, soutenue par les avancées scientifiques, est bien réelle, y compris dans le sud de la France. De la même manière, nous savons aujourd’hui que qui ne dit mot ne consent pas forcément. En effet, l’UVTF (encore) avance que puisque les associations de défense des animaux n’ont pas attaqué la réintroduction de la corrida à Vieux-Boucau en 2023, elles consacrent le fait que la tradition y est bien implantée. Nous apportons officiellement une réponse : c’est faux. La tradition espagnole de tauromachie n’est pas implantée à Vieu-Boucau. La preuve. Enfin, la « médiation » proposée par l’UVTF à Vieux-Boucau qui se solde aujourd’hui par un spectacle grand-guignolesque atteste du peu de cas consenti à la corrida. Seule une élue s’est présentée à cette entrevue, élue qui se voit, sans surprise, affublée de tous les maux, son nom étant diffusé pour tenter de la disqualifier publiquement. Peine perdue, elle en sort grandie. Si le maire n’a pas même daigné se déplacer, c’est sans doute qu’il avait plus important à faire. Le conseil municipal de Vieux-Boucau, à une très large majorité, a voté la fin des corridas. Trois autres communes ont fait pareil.

CM

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