Le “spectacle”
L’anatomie d’un combat joué d’avance
Les « festivités » commencent aux sons d’une réjouissante fanfare de foire. Les toreros ouvrent le bal en défilant crânement dans les arènes. Le premier taureau est ensuite poussé dans l’antre de la mort… C’est parti pour vingt minutes d’épouvante ! Vingt minutes « seulement » car passé ce délai, le taureau comprend que ce n’est pas de l’étoffe rouge que vient le danger mais de l’homme… et cela pourrait donc devenir réellement dangereux pour les bourreaux !
Une fois l’animal sorti du toril, les peones agitent leurs capes pour le provoquer de loin et se réfugient très vite derrière les barrières. Ils font alors suffisamment courir l’animal pour l’essouffler, le désorienter et le fatiguer. Il arrive que les taureaux entrent dans l’arène déjà tellement affaiblis qu’ils tombent avant même le début de la séance de torture…
Commence alors le fameux cérémonial qui se veut « traditionnel et innocent ».
Premier acte : LE TERCIO DE PIQUE
Il s’agit d’un affaiblissement préalable. Cette tâche incombe à deux picadors. Ils entrent alors en piste armés de longues piques, les puyas. Plus ou moins meurtrier, les coups de pique doivent être précis :
- plantés entre la quatrième et la septième vertèbre dorsale, ils coupent les muscles releveurs et extenseurs du cou,
- entre les quatrième et sixième vertèbre cervicale, ils sectionnent les ligaments de la nuque.
A chaque poussée du taureau, la pique s’enfonce un peu plus, jusqu’à 20 cm grâce à un mouvement de vissage. Cela s’appelle « travailler le taureau ». Six à huit fois successivement, la pique fouille, s’enfonce dans le dos de l’animal.
Pour le torero, les avantages tirés d’un « travail bien fait » sont énormes. En effet, le taureau ne peut plus bouger la tête et la garde baissée lors des différentes passes et démonstrations.
- Tout danger, ou presque, est écarté.
- Un effet de fausse « bravoure » est donné par l’impression que le taureau va charger à tout moment.
Cette première torture est également appelée par les puristes le « châtiment ». Nous n’avons pas encore pu établir de quel crime il doit être puni…
À l’issue du premier acte, l’animal est dit « toréable ».
Deuxième acte : LE TERCIO DE BANDERILLES
Cette étape est généralement présentée comme un simple jeu consistant à planter des accessoires sur le dos du taureau.
Communément appelés banderilles, ces accessoires sont en réalité des harpons de 5 voire 6 centimètres de long, ornés de fleurs multicolores qui détournent l’attention du public.
Le but inavouable de ce « jeu » est de faire évacuer le sang de l’animal pour l’empêcher d’avoir une hémorragie interne suite au « travail » du picador. On s’assure ainsi que le taureau ne flanchera pas avant la fin du spectacle.
Le taureau reçoit ainsi trois paires de banderilles, suscitant l’admiration d’un public tellement ébloui par les couleurs vives des accessoires et par le costume de lumière de l’acteur qu’il arrive à occulter la triste réalité.
Nous avons donc : un bourreau burlesque, une victime désignée d’office et un public manipulé !
Tous les ingrédients sont réunis pour jouer un numéro de prestidigitation machiavélique, doué d’une perversité peu commune.
Troisième acte : LE TERCIO DE MORT
Il a lieu dans la grande majorité des corridas : corridas dites « espagnoles ». Les peones font à nouveau exécuter plusieurs passes au taureau. Ils stimulent encore un peu l’animal épuisé.
Le matador entre alors en scène. Vêtu de son collant et de sa veste lumineuse, il attire les regards. Gigotant dans des postures qui se veulent esthétiques, il hypnotise souvent les femmes par ses exhibitions presque indécentes.
Le dernier numéro de prestidigitation peut alors commencer.
Le matador attire et dirige les charges du taureau à l’aide de son étoffe rouge, ridiculisant et humiliant un peu plus ce pauvre animal à bout de forces.
Il lui fera ensuite baisser « docilement » la tête afin de planter son épée dans un garrot déjà ensanglanté.
La mort apparaît alors comme une délivrance… et le matador – tueur en espagnol – comme un sauveur !
Mais souvent, l’arme est mal plantée. Elle peut sortir par les flancs ou transpercer un poumon. La victime semble alors vomir son sang et meurt asphyxiée par une hémorragie interne. Quand le premier coup d’épée ne tue pas assez vite, un peon se glisse derrière le supplicié et d’un geste vif, retire l’épée. Il la rend alors au matador qui recommencera la mise à mort. Il arrive que les taureaux reçoivent ainsi six à sept coups d’épée, voire plus !
Lorsque le taureau a « l’indécence » de ne pas tomber, ce qui arrive environ une fois sur trois, le tueur achève sa triste besogne à l’aide d’une épée spécifique, le descabello, plantée entre les deux cornes, pour lacérer le cerveau…
Dans tous les cas, un coup de grâce est donné à la nuque. Un « courageux » peon s’approchera du taureau à terre et lui plantera un poignard, appelé puntilla, dans la nuque pour sectionner la moelle épinière. Ce geste peut lui aussi en cas d’échec être répété plusieurs fois.
Le taureau bougera ses pattes sous la douleur insoutenable, il urinera de frayeur et son corps, luttant contre la mort, sera secoué de spasmes déchirants, puis sombrera peu à peu. Un cas sur trois, après la puntilla, le taureau est toujours vivant.
Une musique de cirque accompagne alors les clameurs sordides de ce carnaval dérisoire.
Et, tandis qu’une pluie de fleurs honore le matador, un attelage traîne le corps du taureau comme une épave hors de la vue du public dupé…
Souvent encore en vie, il sera emmené au toril et agonisera seul… avant de finir à la boucherie. Pour l’un c’est la gloire, pour l’autre la mort dans l’indifférence…
Les valets de piste effacent, au râteau, les traces de sang sur le sable.
On peut alors ouvrir la porte du toril… à la victime suivante. Ils seront six à être sacrifiés ce jour là au nom d’une tradition validée par l’indifférence d’une société laxiste…
D’après le travail de Delphine SIMON et Jérôme LESCURE : « A la mémoire du deuxième taureau de Châteaurenard, dont le regard a croisé le nôtre, et à la mémoire de tous ses frères massacrés dans les arènes… »
La corrida portugaise
Ce type de corrida est souvent justifié à tort par sa caractéristique principale : l’absence de mise à mort du taureau dans l’arène. Cette caractéristique est véridique. Mais elle est loin de venir tempérer notre lutte.
Car nous ne condamnons pas seulement la mise mort. Nous condamnons également, et surtout, les vingt minutes de torture qui la précèdent et qui sont bel et bien présentes dans une corrida portugaise. Les tercio de pique et les tercio de banderilles décrits précédemment ne sont pas moins douloureux ici !
La mort viendra quoi qu’il advienne. Elle est le corollaire de la vie, nous ne la condamnons pas. Pour tous, nous la souhaitons rapide et sans douleur. Dans la corrida portugaise, nous arrivons au paroxysme de l’horreur : en effet, le taureau est sorti de l’arène après avoir été supplicié. Il ne peut plus lever la tête, a perdu des litres de sang… Qu’advient-il alors de lui ?
Dans le meilleur des cas il sera achevé derrières les portes de l’arène. Mais il n’est pas rare qu’il reste seul à vomir son sang en attendant la mort… pendant que la foule jouit du spectacle qu’offre la torture de la victime suivante. Cette mort cachée, retardée, arrive lentement au terme d’une longue agonie. Et on veut nous faire croire que la mort est absente de ce type de corrida ! Que les corridas portugaises sont anodines !!!
La corrida portugaise est au contraire plus répréhensible encore que la corrida espagnole. Elle est le reflet de l’hypocrisie caractéristique du monde taurin.
Les chevaux
Ne les oublions pas !!! Nous avons voulu faire une place aux chevaux, frères de malheur et de souffrance des taureaux dans les arènes. S’ils ne sont certes pas torturés de la même façon que les taureaux, il n’en reste pas moins qu’il sont très souvent blessés ou tués.
Stop aux corridas ! Plus de chevaux dans les arènes.
De la maltraitance ordinaire des chevaux quand on ne murmure pas à leurs oreilles. La plus belle conquête de l’homme ne fait pas vraiment l’objet du plus élémentaire respect de la part de ses « conquérants ». Le cheval, cet équidé qui rendit pourtant des siècles durant de fiers et loyaux services à ceux et celles qui se firent ses exploiteurs, est encore et toujours, ici ou là, victime d’innombrables maltraitances.
Les guerres de toutes natures firent des hécatombes, pour des millions de chevaux. Mais pour rester, plus précisément, dans l’espace ludique contemporain qui nous préoccupe, nous dénonçons l’utilisation du cheval dans la corrida. Cette dernière est source d’une multitude de sévices pour le cheval, compagnon d’infortune du taureau.
Le cheval du picador est soi-disant « protégé » de la charge du taureau par un lourd caparaçon. Or, il n’est pas rare de voir le groupe équestre renversé par cette charge. Nombreuses sont les éventrations. Le caparaçon ne protège pas l’abdomen du cheval et constitue un réel handicap lorsque ce dernier cherche à se redresser. Ajoutons à cela l’horreur des yeux bandés, les oreilles ficelées et bouchées et les naseaux barbouillés de produits pour qu’il ne sente pas l’odeur du taureau et du sang qui pisse sous les banderilles.
Dans la corrida à cheval, le cheval n’a aucune protection. Le cavalier oblige le cheval à un geste contre nature en l’amenant vers le taureau. Ensuite, il faut esquiver la charge. Les blessures sont nombreuses. Les cornes effleurent souvent les chevaux. Il faut voir leurs yeux exorbités pour comprendre leur affolement, comprimé entre un mors sévère et des éperons acérés. Dans une déclaration dans le Midi Libre, l’un de ces tortionnaires avoue : « lorsqu’on prépare des chevaux aux corridas, il en faut beaucoup car il y a énormément de déchets ». Arènes ou abattoirs, aucune différence, sinon la douleur et une agonie plus longue. La corrida est la pire des lâchetés. Ensemble, Obtenons son abolition.
Association Ethique du Cheval.