Cela fait plusieurs années que le CRAC Europe manifeste à Alès : en 2012 pour protester contre la venue de Rui Fernandez qui avait conduit son cheval Xelim à une mort atroce par éventration, en 2013 et en 2014 pour les plus grandes manifestations anticorrida jamais organisées en France avec la participation de nombreux partenaires européens. Le pouvoir avait fini par perdre les pédales en déclenchant un plan Vigipirate de niveau 3 totalement démesuré dans le but de nous entraver, mais en bout de course, c’est le délégataire organisateur des corridas alésiennes qui en a subi les conséquences avec un bouillon financier record.

PROCO-ALES

Nous avons décidé de ne pas réitérer le même mode opératoire en 2015 pour deux raisons. La première était de ne pas devenir une banale attraction annuelle de plus à la féria alésienne. La seconde est que nous avons choisi avec nos partenaires fidèles (Fondation Brigitte Bardot, Animaux en Péril et FLAC) de réaliser cette année notre grande manifestation unitaire à Rieumes le 28 juin, unique commune de la Haute-Garonne à faire des corridas, où le club taurin accumule des bilans comptables catastrophiques et où un succès voudrait dire que le département tout entier serait débarrassé de ces pratiques barbares.

Nous avons donc opté pour la formule du happening qui, lorsqu’elle est réussie, ne nécessite pas de grosse mobilisation tout en générant autant de gêne pour les aficionados et en maximisant la couverture médiatique afin de sensibiliser le grand public. Le thème de la mise en scène nous a été soufflé par Max Roustan, maire d’Alès, qui a renié sa parole en versant 15 000 euros de subventions au délégataire venu pleurnicher après son fiasco de 2014, alors qu’il avait annoncé publiquement en janvier 2013 que plus jamais la ville ne verserait un euro pour soutenir les corridas.

Notre affichage sur vingt panneaux publicitaires de la commune pendant deux semaines annonçait la couleur : dénoncer l’argent public gaspillé pour soutenir des spectacles de torture.

Pour la gêne, nous avons marqué d’emblée un premier point : 200 policiers ont été mobilisés pendant quatre jours au cas nous mènerions des actions non déclarées. A 100 euros par jour et par policier, la note est salée : 80 000 euros pour permettre à quelques centaines d’abrutis d’assister à leur rituel sectaire de souffrance et de mort, ça ne va pas aider les finances publiques. Et cela sans parler des contrôles d’identité imposés à chaque acheteur de billet, pour rien puisque nous n’avons rien fait d’autre que ce que nous avons annoncé aux autorités lors de la déclaration de la manifestation.

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Environ 500 manifestants venus parfois de très loin se sont rassemblés au lieu de rendez-vous. Les personnalités présentes qui le souhaitaient ont pris la parole : Walter Caporale, président d’Animalisti Italiani venu comme les deux années précédentes avec une grosse délégation d’anticorrida italiens, Paolo Barbon, le cycliste – italien également – de Bike for Animals, Delphine Simon, de la SPA Montpellier, Patrick Sacco, président de Respectons, Alain Perret, grand pionnier de la lutte anti-corrida en France, Peter Janssen, l’activiste néerlandais du groupe international Vegan Streaker, qui a sauté à plusieurs reprises dans des arènes espagnoles, et bien sûr Jean-Pierre Garrigues, président du CRAC Europe.

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Avant l’arrivée des manifestants, nous avions mis en place la scène du happening : une bande de 20 mètres sur 3 (toute la largeur de l’avenue), recouverte de 1600 litres de faux sang obtenus en pompant directement l’eau de la rivière en contrebas (avec l’autorisation de la police) et en y ajoutant un colorant alimentaire vegan et un épaississant végétal.

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Au moment du début de la corrida à 200 mètres de là, une vingtaine de personnes (presque uniquement des femmes) se sont allongées dans le sang, affublées de cornes de taureau et de banderilles pendant que la sono diffusait la bande-son du film “Derrière les murs” de Jérôme Lescure. Puis, le silence et un enregistrement de cris d’agonie d’un veau massacré à Alès en 2013 sous les applaudissements du public des sinistres arènes.

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C’est à ce moment que 3000 faux billets de 20 euros, arborant un taureau perdant son sang et le visage de Max Roustan, ont été jetés par l’assistance sur les corps allongés. L’argent honteux et sale de la torture et de la mort, le symbole des fonds publics qui servent à maintenir artificiellement viables des spectacles atroces et inacceptables pour un dernier carré de pervers vieillissants.

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L’émotion était à son comble et les larmes coulaient sur tous les visages. Des larmes de compassion pour ces animaux suppliciés sans autre raison que de réjouir des sadiques. Des larmes de rage devant cette abomination qui est un délit en France, mais qui est protégée par une immunité dans onze de ses départements. Des larmes venues du fond de nos âmes.

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Lorsque tout le monde s’est relevé, il y a eu encore quelques prises de paroles, dont un vibrant hommage de Jean-Pierre Garrigues à tous les militants qui prennent des risques pour accomplir des actions de toutes sortes à condition qu’elles restent non violentes. Certains d’entre nous se sont agenouillés, poing tendu vers les arènes, pour un dernier hommage aux victimes innocentes qui finissaient leur vie tout près de là, pendant que l’Agnus Dei de Samuel Barber résonnait.

La manifestation a alors été officiellement close. Il ne restait plus qu’à tout nettoyer, comme nous nous y étions engagés auprès de la police, qui s’est comportée de façon parfaitement respectueuse pendant tout le déroulement de l’événement. Un seul incident à déplorer : un aficionado provocateur et violent a voulu rejoindre les arènes en passant à travers notre groupe et en insultant tout le monde. Il a frappé un homme, mais manque de chance, c’était un policier en civil. Il a été évacué sans ménagement et va être convoqué au commissariat pour répondre de son comportement.

Dans les heures qui ont suivi, des centaines de messages enthousiastes se sont répandus sur les réseaux sociaux. Les médias qui ont couvert l’action nous ont consacré des articles sans précédent par le soutien et la compréhension qu’ils exprimaient. De ce point de vue, il s’agit donc d’un très beau succès, même si nous n’avons pas empêché la mort des six taureaux sacrifiés. En effet, ce que nous attendons de nos actions de terrain, c’est d’alimenter le rejet largement majoritaire du grand public vis-à-vis de l’horreur tauromachique et de l’opposition croissante qu’elle provoque partout dans les villes de sang, dans le but que tôt ou tard la question de l’abolition soit enfin mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale où trois propositions de loi qui la demandent attendent toujours d’être débattues et votées. Vivement la démocratie…

Un immense merci à toutes les personnes venues à Alès le 16 mai et, en particulier à celles qui ont participé directement au happening. Merci pour votre beauté sublime – et il ne s’agit pas ici de votre simple apparence physique, mais de la beauté qui vous habite, celle de votre détermination et de votre courage, celle de l’amour de la vie. C’est en raison de cet amour que nous n’abandonnerons jamais le combat, jusqu’à l’abolition.

Roger Lahana
Vice-président du CRAC Europe

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